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Mohamed Saïd Mazouzi: le moudjahid et l'homme d'Etat

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Mohamed Saïd Mazouzi, décédé à l’âge de 92 ans le 5 avril 2016, est indiscutablement un homme d’envergure exceptionnelle, à la dimension des acteurs et des événements entrés dans l’histoire de l’Algérie contemporaine. Loin d’être une simple affirmation subjective du frère et compagnon  de lutte que j’ai été, c’est un constat largement confirmé par son parcours, étalé sur plus d’un demi siècle, de militant et de résistant anticolonialiste puis d’homme politique et d’Etat.

L’engagement politique de Si Mohamed Saïd a été, dès le départ,  exceptionnel par sa précocité. Ses premiers pas dans l’apprentissage du combat politique puis son engagement progressif dans le militantisme nationaliste remonte à ses années de collège.  Issu d’une famille maraboutique et de condition sociale aisée, son grand-père et son père ont montré tour à tour, dans leur fonction d’auxiliaires de l’administration françaises en tant que caïds, de fortes réticences à servir les intérêts des colonisateurs aux dépens forcément de ceux de la grande masse des algériens. Au lieu de  s’orienter, comme la plupart des jeunes  algériens de sa condition,  vers la poursuite de ses études, dans lesquelles il a excellé jusqu’alors, puis la réussite professionnelle et sociale, le jeune Mohamed Saïd a préféré choisir en priorité le combat anticolonial car se voyant mal vivre  égoïstement sa propre vie dans l’aisance pendant que la grande majorité des algériens subissent l’exploitation, la misère, l’ignorance, la maladie et la peur du lendemain.

Son engagement corps et âme pour la cause nationale est symbolisé par sa participation, avec un groupe de militants, dans le contexte des manifestations du 8 mais 1945 et les massacres des dizaines de milliers de civils algériens commis à cette occasion par les forces coloniales, à un attentat contre le bachagha Ait Ali, un collaborateur zélé de l’administration française dans la région de Tizi-Ouzou. A partir de son arrestation des suites de cet attentat, Si Mohamed Saïd est emprisonné sans interruption jusqu’à l’indépendance, en 1962, soit 17 ans durant lesquelles il a séjourné dans maintes prisons en Algérie et quelques unes en France durant une courte période.

J’ai rencontré Si Mohamed Saïd pour la première fois en 1958, à la prison d’El Asnam, où j’ai été transféré dans un état de santé préoccupant consécutif à mes graves blessures de guerre aggravées d’une maladie pulmonaire dont l’évolution a inquiété jusqu’au médecin israélite de la prison  qui (je l’ai su plus tard) a exigé du directeur pied-noir de celle-ci mon hospitalisation immédiate faute de quoi, il dégagerait sa responsabilité. Grâce aux efforts conjugués de Si Mohamed Saïd, notamment pour l’approvisionnement clandestin en médicaments, et aux soins de Yahia Farès, algérois du quartier de Clos-Salambier, infirmier, aidé par Driss Ben Ferlou de Mostaganem, tous les deux prisonniers,  j’ai été sauvé d’une mort quasi certaine. Tout cela pour dire, à travers mon cas personnel, combien ont été importants pour de nombreux prisonniers les actes de solidarité fraternelle et militante de Si Mohamed Said pour soigner blessés et malades, améliorer les conditions de détention, exprimer notre soutien aux frères et sœurs engagés sur le terrain dans le combat libérateur, alphabétiser, enrichir les connaissances, approfondir la formation politique…

A l’indépendance, loin d’être affaibli par les 17 ans d’internement et de mauvais traitements, Si Mohamed Said s’est engagé avec toute sa foi en l’Algérie et toutes ses forces dans l’action pour la consolidation de l’indépendance nationale et le développement économique, social et culturel. D’abord au niveau régional à la tête de la fédération du FLN de Tizi-Ouzou et après en tant que préfet de Grande-Kabylie ; puis au niveau central, notamment en tant que ministre du travail et des affaires sociales ensuite des moudjahidine. Dans l’accomplissement de ses missions, j’ai compté, avec beaucoup d’autres, parmi ses collaborateurs.

Outre ses contributions de haute qualité au développement national dans plusieurs domaines dont les fruits durent jusqu’à nos jours, Si Mohamed Said  a fait partie des rares militants nationalistes et responsables algériens à penser et mettre en pratique un rapport rationnel  et maîtrisé à la politique en général et au pouvoir en particulier de par ses capacités avérées à :

- Garder en toute circonstance son indépendance d’idée et de choix ;

- Accomplir des missions et réaliser des objectifs au service de l’intérêt national, c’est-à-dire sans volonté apparente ou cachée de les instrumentaliser à des fins personnelles;

- Choisir des collaborateurs et constituer des équipes dans le but d’accomplir des missions et réaliser des objectifs d’intérêt national.

Pour les gens qui l’ont connu et côtoyé durant tant d’années, Si Mohamed Said représente et restera pour les générations actuelles et à venir, un exemple, voire un modèle, de militant et d’homme politique tant par ses compétences, en particulier son leadership, que par ses valeurs morales, en particulier son intégrité.

 

Benelhadj Mohand Ouamar, secrétaire national de l’organisation nationale des moudjahidine (ONM).

Cet article est paru dans la revue « Premier novembre », n°181-182, 1er semestre 2016.



24/08/2016
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