Retour en Algérie, Sandra Zidani crée un spectacle sur le premier voyage au pays de son père
Organisé dans le cadre du 12ème festival culturel européen en Algérie, le « one woman » show de la Zidani – une artiste belge née de père émigré algérien de Kabylie – s’est déroulé sur la scène de la salle Ibn Zeydoun (Riadh El Feth, Alger), le 25 mai 2011. Signe pour moi de sa qualité, ce spectacle, intitulé « Retour en Algérie » joué pour la première fois en 2007 à Bejaïa, ne cesse pas, plusieurs semaines après l’avoir vu, de susciter impressions et questionnements. Il faut dire qu’il vaut largement le déplacement tant par les talents d’humoriste, comédienne et chanteuse de S. Zidani que par le sujet – la découverte du pays d’origine de son père, disparu prématurément, qui a laissé à sa fille le souvenir d’un homme ayant vécu en « extra-terrestre » dans le pays d’accueil, la Belgique.
S. Zidani fait rire aux éclats le public de la grande salle comble, y compris de leurs défauts d’algériens :
- l’obsession de piétiner la règle avec la scène de la voyageuse en excédent de bagages jouant avec force cris à la victime pour ne pas avoir à payer un supplément;
- le rapport improbable au temps, avec l’exemple d’air Algérie que son non respect des horaires de vol fait qualifier d’ « air retard »
- l’instinct de marieuse (et marieur ?) avec la scène de la voyageuse en attente d’un vol de retour vers Alger qui confesse avoir marié son jeune fils à une jeune fille d’émigrés algériens, binationale comme il se doit, et réagit au quart de tour en suggérant avoir un bon parti de sa connaissance pour son interlocutrice du moment, c’est-à-dire S. Zidani elle-même ;
- le déni de leur langue dont ont été victimes dans le passé les flamands de la part des francophones, une des causes profondes et lointaines du risque actuel de partition de la Belgique, avec une allusion à l’existence de ce phénomène en Algérie aux dépens des berbérophones ...
La Zidani joue avec beaucoup de vérité (rendue grâce au langage, à l’accent et la gestuelle attribués à chaque personnage) plusieurs rôles:
- d’abord le sien propre de fille d’émigrée en route vers le pays de son père ;
- de « préposée à l’entretien des surfaces » de l’aéroport ;
- d’algérienne venue rendre visite à son fils émigré marié à une binationale ;
- de vieille riche héritière d’une famille de colons belges du Katanga (région riche en ressources minières du Congo, ex-colonie belge d’Afrique) ayant passé des vacances à Hydra (Alger) au temps de la colonisation.
- de femme folle de désespoir d’attendre en vain le retour de son mari parti sans laisser d’adresse voilà des années dans un départ d’avion à destination d’une contrée lointaine, croit-elle;
- d’amie apparemment attentionnée mais en réalité toujours à la recherche d’un prétexte pour s’incruster et se faire héberger et nourrir gratuitement …
La Zidani se révèle chanteuse, aussi bien à l’algérienne – en exécutant une version endiablée de « dor biha ya chibani dor biha » accompagnée d’une serpillière qu’elle fait tournoyer sur scène – qu’à la belge en nous gratifiant d’une version douce de « Le plat pays » plutôt récitée que chantée qui nous révèle la beauté singulière des poèmes de Jacques Brel sans leur accompagnement musical.
Le spectacle se termine à l’arrivée à l’aéroport d’Alger. Le retour du père émigré (son âme représentée par deux fois en ange ailé n’en finit pas de planer sur le spectacle)se fait à travers sa fille accueillie par la fameuse chanson d’Idir, « Tizi-Ouzou », chantée sur une musique de Maxime Le Forestier, « San Francisco » (une maison bleue), et les paroles pour partie en Kabyle et pour partie en français de Brahim Izri. C’est le message transcendant de bienvenue à S. Zidani de la part des siens, ceux du village de son père, Tamda, de la Kabylie et de toute l’Algérie.
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