Spectacles
Chanson, musique, théatre,etc.
Karima Nayt, la chanteuse algérienne qui nous revient de loin
Karima Nayt a donné un concert, le samedi 15 mai 2010à 19 HOO, à la salle Ibn Zeydoun (Ryadh El Feth) dans le cadre du 11ème festival européen en Algérie. Cette jeune et talentueuse chanteuse nous vient de loin, de Suède, et accompagné d’un orchestre composé de trois musiciens de ce pays : Mikaïl Augustsson - accordéon et bandonéon, Fredrik Gille - percussions, guitare, (photographe aussi, il a exposé quelques unes de ses photos dans le hall de la salle Ibn Zeydoun) et Olle Linder, guitare et basse.
On sent que Karima Nayt vient de loin à cause d’une inspiration ouverte à tous les sons "croisés" dans ses tribulations artistiques. Son tempérament nomade en fait une chanteuse comme il en existe peu car elle a développé en elle des capacités artistiques multiples. D’abord une voie tellement bien travaillée qu’il est facile de l’imaginer chanteuse d’opéra. Ensuite un langage corporel maîtrisé - elle est danseuse de ballet- qui fait croire qu’elle chante avec son corps.
Karima Nayt ne s’attache pas à un seul genre musical mais préfère passer de l’un à l’autre, parfois dans une même chanson. Elle chante dans le genre classique oriental, hawzi algérien, fado portugais, musiques ouest africaines, chanson populaire française (Piaf et les années 1940 -50) et tango version soft presque omniprésent. Elle sait cependant donner à l’ensemble son propre rythme, tout en lenteur, qui s’harmonise avec sa voix de sirène.
Côté paroles, Malika Nayt a surtout chanté en dialectal algérien et un peu en arabe classique et en français. Les thèmes de ses chansons – l’amour dans ses différentes manifestations, la nostalgie, les injustices du monde, la quête de Dieu - inclinent à la mélancolie, la méditation et (pourquoi pas ?) la sérénité.
Le look de Malika Nayt confirme les sens de son art. En effet, comme pour accompagner le noir de ses yeux et de ses cheveux, elle a porté ce soir là un frac et un jupon de tulle de la même couleur. Même son nom de scène – Nayt - parait être un jeu de mot avec « Naït » - article d’appartenance amazigh- et night. Bref, « noir, c’est noir ». Il y a toujours de l’espoir, ajouterons-nous.
Retour en Algérie, Sandra Zidani crée un spectacle sur le premier voyage au pays de son père
Organisé dans le cadre du 12ème festival culturel européen en Algérie, le « one woman » show de la Zidani – une artiste belge née de père émigré algérien de Kabylie – s’est déroulé sur la scène de la salle Ibn Zeydoun (Riadh El Feth, Alger), le 25 mai 2011. Signe pour moi de sa qualité, ce spectacle, intitulé « Retour en Algérie » joué pour la première fois en 2007 à Bejaïa, ne cesse pas, plusieurs semaines après l’avoir vu, de susciter impressions et questionnements. Il faut dire qu’il vaut largement le déplacement tant par les talents d’humoriste, comédienne et chanteuse de S. Zidani que par le sujet – la découverte du pays d’origine de son père, disparu prématurément, qui a laissé à sa fille le souvenir d’un homme ayant vécu en « extra-terrestre » dans le pays d’accueil, la Belgique.
S. Zidani fait rire aux éclats le public de la grande salle comble, y compris de leurs défauts d’algériens :
- l’obsession de piétiner la règle avec la scène de la voyageuse en excédent de bagages jouant avec force cris à la victime pour ne pas avoir à payer un supplément;
- le rapport improbable au temps, avec l’exemple d’air Algérie que son non respect des horaires de vol fait qualifier d’ « air retard »
- l’instinct de marieuse (et marieur ?) avec la scène de la voyageuse en attente d’un vol de retour vers Alger qui confesse avoir marié son jeune fils à une jeune fille d’émigrés algériens, binationale comme il se doit, et réagit au quart de tour en suggérant avoir un bon parti de sa connaissance pour son interlocutrice du moment, c’est-à-dire S. Zidani elle-même ;
- le déni de leur langue dont ont été victimes dans le passé les flamands de la part des francophones, une des causes profondes et lointaines du risque actuel de partition de la Belgique, avec une allusion à l’existence de ce phénomène en Algérie aux dépens des berbérophones ...
La Zidani joue avec beaucoup de vérité (rendue grâce au langage, à l’accent et la gestuelle attribués à chaque personnage) plusieurs rôles:
- d’abord le sien propre de fille d’émigrée en route vers le pays de son père ;
- de « préposée à l’entretien des surfaces » de l’aéroport ;
- d’algérienne venue rendre visite à son fils émigré marié à une binationale ;
- de vieille riche héritière d’une famille de colons belges du Katanga (région riche en ressources minières du Congo, ex-colonie belge d’Afrique) ayant passé des vacances à Hydra (Alger) au temps de la colonisation.
- de femme folle de désespoir d’attendre en vain le retour de son mari parti sans laisser d’adresse voilà des années dans un départ d’avion à destination d’une contrée lointaine, croit-elle;
- d’amie apparemment attentionnée mais en réalité toujours à la recherche d’un prétexte pour s’incruster et se faire héberger et nourrir gratuitement …
La Zidani se révèle chanteuse, aussi bien à l’algérienne – en exécutant une version endiablée de « dor biha ya chibani dor biha » accompagnée d’une serpillière qu’elle fait tournoyer sur scène – qu’à la belge en nous gratifiant d’une version douce de « Le plat pays » plutôt récitée que chantée qui nous révèle la beauté singulière des poèmes de Jacques Brel sans leur accompagnement musical.
Le spectacle se termine à l’arrivée à l’aéroport d’Alger. Le retour du père émigré (son âme représentée par deux fois en ange ailé n’en finit pas de planer sur le spectacle)se fait à travers sa fille accueillie par la fameuse chanson d’Idir, « Tizi-Ouzou », chantée sur une musique de Maxime Le Forestier, « San Francisco » (une maison bleue), et les paroles pour partie en Kabyle et pour partie en français de Brahim Izri. C’est le message transcendant de bienvenue à S. Zidani de la part des siens, ceux du village de son père, Tamda, de la Kabylie et de toute l’Algérie.