la voisine, film de Ghaouti Bendedouche, avec Biyouna. Un film féministe avec pour scène la Casbah d'Alger.
« La voisine », film de Ghaouti Bendedouche, avec Biyouna, durée 100 mn année 2003, Algérie.
Situé sur les collines d'Alger et dominant la mer, le monde de la Casbah est un univers clos et hermétique régi par des lois sévères et conservatrices. Chaque jour, à tour de rôle, une femme, effectue les corvées ménagères quotidiennes. L'arrivée d'une nouvelle voisine, ignorante des règles de la casbah, va perturber l'ordre habituel.
J'ai vu ce film, une comédie satirique de Ghaouti Bendedouche, le lundi 05 avril 2010 à la salle El Mouggar (Alger centre). Il a été reprogrammé à l'occasion d'un cycle consacré au cinéma comique algérien.
L'essentiel de l'histoire se passe entre femmes, au foyer pour la plupart, à l'intérieur d'une grande maison typique de la Casbah d'Alger - et aussi plus ou moins des autres casbahs d'Algérie, faut-il préciser - où habitent plusieurs familles dans des pièces bâties sur deux niveaux disposée autour d'une grande cour centrale.
Je crois erroné de réduire, comme l'ont fait quelques « critiques » visiblement imbus de leur vision européocentriste, le propos de ce film à une description de la vie quotidienne dans les intérieurs de la Casbah ou encore à des disputes tragi-comiques entre des femmes assaillies par les difficultés de la vie quotidienne. Il est, à mon avis, bien plus que cela : c'est aussi et surtout un tableau de la condition des femmes à l'époque récente de son tournage, l'année 2003. En effet, tous les événements, visiblement inspirés de faits réels, mis en scène par G. Bendedouche, sont significatifs de l'ascension d'un véritable pouvoir féminin dans les familles algériennes :
- un vieux père loue pour sa fille une chambre dans cette grande maison, où toute intimité personnelle est réduite à peu de chose, et l'y laisse habiter seule ;
- un autre père, faute de pouvoir imposer le hidjab à sa jeune fille qui aime au contraire les jeans moulants et face à l'opposition de son épouse à ce sujet, bat en retraite en criant avoir décidé de les quitter ;
- une mère, qui marie son fils en réalité pour disposer d'une bonne à tout faire, voit, au bout de quelques semaines, la nouvelle mariée prendre sa valise et retourner chez ses parents ;
- une jeune femme célibataire sort avec un homme et se fait un jour imprudemment engrosser par celui-ci qui la quitte aussitôt après. Mais aucun sentiment de désespoir ou d'abandon ne transparait chez cette jeune femme.
- une jeune femme, dont le mari s'intéresse ouvertement à une autre femme – la nouvelle locatrice ou « la voisine »- allant jusqu'à lui proposer un rendez-vous amoureux, se bat pour garder son statut d'épouse unique, sans rivale.
En définitive, « la voisine » rend compte en quelque sorte de l'accroissement du pouvoir des femmes dans les familles algériennes allant parfois jusqu'à des manifestations extrêmes de matriarcat. L'autre aspect de la question féminine en Algérie, que le film n'aborde pas, est de savoir quand et comment le rôle de femmes dans les autres champs de la société – principalement l'économie et les institutions publiques - sera à la mesure de celui qu'elles détiennent actuellement dans l'espace familial.
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