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Retour sur "la régression féconde" ou l'islam entre raison étouffée et tradition sacralisée: Averroes contre Ibn Taymiya

Les sociétés musulmanes n’ont pas échappé au processus historique de la naissance de l’individu, et ont subi de profonds bouleversements sociologiques, y compris dans les représentations. Elles traversent une période de crise morale parce que la nahda a échoué à réaliser le projet de réforme de modernisation de la culture religieuse. La nahda est arrivée certes à affaiblir le soufisme, incompatible avec la conscience nationale, mais elle n’a pas substitué au hanbalisme une autre vision religieuse. L’islamisme est l’expression de l’ossification du hanbalisme qui s’est durci, proposant comme solution le retour au passé, aux salafs. Il faut rappeler que le concept de salafiya a été forgé par Ibn Hanbal lui-même, pour s’opposer à l’influence de la philosophie grecque introduite dans la culture musulmane par Al Kindi et les mu’tazilas.

Le débat, à l’époque, avait pour enjeu une question philosophique. Pour les mu’tazilas, Dieu, en tant que maître de l’univers, est la cause première de la nature et de l’existence humaine, tandis que l’homme est à l’origine des causes secondaires. Pour l’orthodoxie, à l’inverse, Dieu est aussi à l’origine des causes secondaires. Par conséquent, pour ne pas irriter Dieu, il faut appliquer scrupuleusement ce qu’il recommande dans le texte sacré, d’où l’importance exagérée des ibadates au détriment des mou’amalates. Nourris au hanbalisme, les oulémas expliquent que si les musulmans sont en retard, c’est parce que qu’ils se sont éloignés de la vraie pratique de l’islam.
M. Abdou a essayé d’introduire la responsabilité de l’homme dans les causes secondaires dans son livre Rissalat Ettawhid, mais il n’a pas été suivi.

Les islamistes ont préféré s’éloigner de lui, reproduisant un néo-hanbalisme réduit à sa plus simple expression. C’est ce qui explique ce surinvestissement des ibadates au détriment des mou’amaltes. L’espace public est alors envahi par la bigoterie qui cache mal l’agressivité et la dureté des rapports sociaux dans la vie de tous les jours.

 

Extrait de l'article de Lahouari Addi, professeur de sociologie, paru dans El Wtan du dimanche 04 août 2013.

 

http://www.elwatan.com/contributions/retour-sur-la-regression-feconde-04-08-2013-223468_120.php



05/08/2013
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