Questions sur les musulmans, l'islam et la politique
1. L’islamisme : un moyen de légitimer le détournement et le gaspillage de la rente pétrolière ?
L'islamisme ou l'islam réduit en idéologie (s) politique (s) ne connait, à mon humble avis, le succès relatif actuel que du fait d'avoir été nourri depuis des décennies par les régimes (je ne dirai pas « systèmes » car c'est une notion complexe, quoique banalisée, avec laquelle des régimes autocratiques aussi sanglants que corrompus ne méritent pas d'être caractérisés) rentiers en place dans les pays pétroliers, à commencer par le premier et plus important d'entre eux, l'Arabie saoudite ; puis les émirats du Golfe et l'Iran ; ensuite les pays pétroliers d'Afrique avec l'Algérie, la Libye, le Soudan, le Nigéria et même l'Egypte qui est aussi un pays producteur.
Aussi l'Islam dévoyé en idéologie de conquête du pouvoir et de domination durera dans le pire des cas ce que dureront les ressources pétrolières de ces pays là, c'est-à-dire selon les experts environ deux générations, soit une cinquantaine d'années encore.
Malheureusement, l'islam dévoyé en idéologie politique aura entretemps engagé une grande partie des populations de ces pays là dans des voies sans issues dont leurs générations futures arriveront difficilement à s'extirper et se libérer.
2. L’islam, ouverture; L’islamisme, fermeture ?
L'islam traite, à mon humble avis, de la totalité de l'univers, c'est-à-dire de tous les êtres - principalement les humains - et toutes les choses créées par Allah.
Aussi, voir dans l'islam une (ou des) idéologie(s) politique(s), des listes de règles de comportement en société, des rites religieux ou des guides spirituels (etc.), même quand il s’agit de tous ces aspects à la fois, est forcément réducteur car il est bien plus que cela. Et certains ajouteraient que c'est bien plus que ce que les hommes et femmes les plus croyants, informés et érudits dans ce domaine ne peuvent savoir. En effet, en dit-on pas qu'une partie du message coranique dépasse nos capacités actuelles d'être humains de comprendre et d'assimiler ?
Une vision utilitariste, didactique ou scolaire de l'islam est, certes simplificatrice, mais aussi forcément réductrice.
Question de bon sens: peut-on définir l'islam comme un mode vie alors qu'il y a autant de peuples musulmans sur cette planète que de modes de vie ?
3. Le message coranique peut-il avoir le même contenu pour tous ?
Annoncer ce qui est pour nous tous une vérité évidente - telle par exemple « appliquer l'islam comme indiqué dans le Coran » - n’est pas la bonne réponse, vu que nous ne donnons pas tous le même contenu à cette vérité ; qui de ce fait pose question (et ne constitue donc pas une réponse). Et c'est, d'un certain point de vue, normal car il revient à chacun d’entre nous de mobiliser ses capacités intellectuelles (ijtihad) et non de ressasser sans fin les dires et écrits de quelques "maîtres du prêt-à- penser".
4. Les Imazighen se seraient-ils convertis à l'islam par la force ?
Il me parait logique que la question de l’identité amazigh (ou berbère) soit posée dans le cadre du thème général de l’islam face à l’islamisme sans être pour autant hors sujet: tamazight est effectivement la langue et culture des premiers habitants de l'Afrique du Nord. Et c'est cette identité multimillénaire qui a rendu les Imazighen aptes à se convertir à l'islam (et précédemment au judaïsme puis au christianisme) car beaucoup d’historiens le disent : leur conversion, lente et progressive, s'est faite librement. Aucune puissance étrangère n'a pu dans l'histoire imposer définitivement sa domination sur les Imazighen, y compris les armées musulmanes arrivées en Afrique du Nord. Ce constat est établi par Ibn Khaldoun.
5. Les Imazighen originaires du Moyen-Orient : seraient-ils alors les ancêtres des arabes ?
Pour contrer, de façon vaine et stérile entre nous soit dit, le mouvement culturel berbère, certains polémistes ( à mon avis, maladroits)reprennent un faux argument de politicien ( utilisé par l'ex-président Chadli pour tenter de couper l'herbe sous les pieds au mouvement kabyle d'avril 1980): les berbères viennent du Yémen et sont donc des arabes alors que c'est une simple hypothèse parmi d'autre rejetées il y a 7 siècles (!!!) avec arguments à l'appui par Ibn Khaldoun qui, lui, disait qu'ils seraient originaires de « Bilad Cham » (Syrie- Liban- Palestine- Jordanie). A l'heure actuelle, les thèse des archéologues et préhistoriens, penchent pour une origine "endogène" élargie à l'ensemble de l'Afrique du Nord, Sahara compris (avant qu'il ne devienne un désert).
Même si tout ou partie des Imazighen sont originaires du Moyen- Orient, cela ne veut pas dire forcément qu'ils sont arabes au sens actuel et, encore moins, qu'ils parlaient arabe (celle -ci étant récente comparée à tamazight et aux autres vieilles langues du bassin méditerranéen (araméen, égyptien, grec ancien, latin ...). Cela voudrait plutôt dire que les arabes et la langue arabe sont en partie du moins issus des premiers Imazighen et de la langue tamazight originelle. L'inverse de ce que l'on veut nous faire avaler.
6. Comment sortir de la crise dans les pays musulmans ?
L'islam hérité de la période de décadence du monde musulman est dépassé depuis les invasions coloniales; disons au moins depuis l'expédition de Bonaparte en Egypte à la fin du 18ème siècle).
Croire qu'il est possible de se développer en appliquant mécaniquement, ou pire, en consommant seulement, les technologies et productions des pays industriels avancés constitue une erreur monumentale qui peut être fatale aux musulmans. Le rattrapage doit impérativement se faire également dans les sphères politique, culturelle et religieuse tant à l'échelle individuelle que collective. Ce que les premiers initiateurs de la renaissance (la nahda), notamment en Egypte, avaient compris (dans ce dernier par exemple, le code civil français (dit Napoléon) a été introduit au début du 19ème siècle). Partant de cette approche de la crise, il devient clair que les frères musulmans et autres fondamentalistes se sont depuis le départ (c'est-à-dire les années 20 du siècle dernier) fourvoyés : en croyant revenir à l'islam "vrai" des origines ( ce qui parait déjà en soi une illusion idéologique, "idiot-logique"), ils contribuent à déconnecter les pays musulmans de l'évolution réelle du monde (tel qu'impulsé par les puissances à la fois scientifiques, industrielles et militaires) et diminuent ou empêchent leurs chances de progrès et de développement.
7. Occident « matérialiste » et monde musulman « spiritualiste » ?
Il y a un préjugé assez répandu tendant à croire ou se convaincre que si que les occidentaux ont le progrès matériel nous musulmans avons les valeurs spirituelles. C'est loin d'être évident dans la réalité. Des millions de citoyens des pays occidentaux - croyants et non croyants - développent dans leurs activités économiques, sociales et politiques des valeurs humanistes, morales et ou religieuses. En voici quelques manifestations:
- l'existence dans ces pays d'un grand nombre d'activités entrant dans le cadre de l'économie solidaire, c'est-à-dire sans but lucratif et d'utilité publique;
- une pratique développée des dons individuels pour contribuer aux grandes causes nationales: aides diverses aux démunis, recherche scientifique dans le domaine médical et autres;
- une tradition d'aide publique et privée aux pays du Sud les moins développés. Les pays scandinaves sont des modèles en la matière.
Or, la plupart des pays musulmans, du moins les plus riches d'entre eux, n'apparaissent significativement que dans les rubriques de caractère purement commercial, comme les achats d'armement dont ils sont les champions à l'échelle mondiale.
Aussi, je crois qu'un peu d'humilité ne nous ferait pas de mal à nous musulmans en commençant, par exemple, par considérer que nous avons bien des choses à apprendre de certains citoyens des pays avancés de la planète, y compris en matière de mise en pratique des valeurs spirituelles de solidarité, de justice, de liberté, de fraternité, de paix, de progrès, etc.
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