ANZAR le site de Slimane Azayri

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Un prophète, film de Jacques Audiard avec Tahar Rahim. L'élève est le maître.

 

 

Fiche technique : titre : Un prophète ; réalisation : Jacques Audiard ; scénario : Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Nicolas Peufaillit, Abdel Raouf Dafri ; directeur de la photographie : Stéphane Fontaine ; 1er assistant réalisateur : Serge Onteniente ; 2éme assistant réalisateur : Jean-Michel Correia ; compositeur : Alexandre Desplat ; musique additionnelle (interprète) : Sigur Ros ; monteuse : Juliette Welfling ; chef décorateur : Michel Barthélémy ; collaborateur artistique : Thomas Bidegain ; costumes : Virginie Montel ; coiffeur : Pierre Chavialle ; maquilleuse : Frédérique Ney, (etc.) ; durée : 2h29mn ; date de sortie en salle : août 2009 ; interprètes : Tahar Rahim  (Malik El Djebena), Niels Arestrup  (César Luciani ), Adel Bencherif ( Ryad ), Hichem Yacoubi  (Reyeb, la première "mission" de Malik) , Réda Kateb ( Jordi, le gitan), etc.

 

Synopsis : Condamné à six ans de prison, Malik El Djebena ne sait ni lire, ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul au monde, il paraît plus jeune, plus fragile que les autres détenus. Il a 18 ans. D'emblée, il tombe sous la coupe d'un groupe de prisonniers corses qui fait régner sa loi dans la Centrale. Le jeune homme apprend vite. Au fil des 'missions', il s'endurcit et gagne la confiance des Corses. Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer discrètement son propre réseau. Pour les Corses, il continue à jouer avec docilité son rôle de larbin. En coulisses, il profite de ses sorties régulières pour mettre en place un trafic de drogue entre la prison et les cités. Il parvient ainsi à s'imposer peu à peu jusqu'à obtenir l'estime des musulmans, 'l' autre' clan de la Centrale. Alors que débute une guerre de succession entre les deux bandes rivales, Malik est bien décidé à s'emparer du pouvoir.

 

J'ai vu ce film français le samedi 22 mai 2010 à la salle Cosmos (Riadh El Feth). Sa projection a été organisée conjointement par le centre culturel français d'Alger (CCF) et  le ciné club « Chrysalide ». Le film, sorti en 2009, a eu un grand succès tant artistique que commercial. La présence exceptionnel de l'acteur principal, Tahar Rahim, et d'un des scénaristes, Abdelraouf Dafri, a donné à cette séance un cachet particulier.  Ce que l'assistance a fort bien compris en réservant un accueil triomphal aux deux franco-algériens. Après la projection, ils ont répondu, dans une ambiance chaleureuse, aux questions sur le film de l'assistance.

 

« Un prophète » est effectivement une réussite à plusieurs points de vue. Le scénario,  riche et  original, est  à la base des innovations apportées par rapport aux tendances existantes du cinéma français. Il met en scène l'ascension fulgurante d'un jeune délinquant endurci dans un milieu carcéral contrôlé par deux clans hostiles.

La population carcérale y est visiblement composée de détenus  en majorité d'origine maghrébine. A l'intérieur de cette population, deux clans organisés coexistent et s'affrontent à l'occasion, les corses et les islamistes. Cependant, les corses sont les plus forts à l'intérieur, par leurs complicités dans l'administration de la prison et  à l'extérieur, par leur implantation dans le milieu du banditisme hexagonal.

Le personnage principal est, Malik El Djebena, un  jeune homme de 19 ans, français d'origine algérienne. Au début du film, il est transféré d'un centre de détention pour mineurs à une prison pour adultes où il doit achever de purger une peine de quelques années. Les cheveux coupés à ras, le visage couvert de traces de coups, solitaire et renfermé, on dirait un enfant sauvage ou un rescapé du bagne, s'il en existait  encore.

Le parcours du jeune détenu a tout d'une « success story », avec la précision que sa réussite s'est  faite non par la voie, morale et légale,  de la réinsertion sociale mais plutôt celle, plutôt amorale qu'immorale, du crime. Comme tout « prophète » qui se respecte,    Malik El Djebena est  bien soutenu par la providence. En effet, de détenu isolé et exposé à tous les dangers de la prison, il passe sous la protection du clan des corses dès qu'il  a exécuté pour leur chef, César Luciani,  un « contrat » ou « mission » : tuer, en  tranchant la carotide avec une lame de rasoir, dans sa cellule un détenu d'origine maghrébine, Rejeb,  récemment transféré, qui a négocié avec la justice un allégement de sa peine en échange d'un témoignage contre un chef mafieux. Devenu larbin en titre du caïd corse, il en profite pour apprendre les codes du milieu ; et pour ce faire, il va jusqu'à apprendre la langue corse que les malfrats utilisent parfois à la place du français pour protéger leurs secrets. Le temps passant et une certaine confiance s'installant, César Luciani confie à Malik El Djebena, sous couvert de permissions d'une journée pour bonne conduite, des missions à l'extérieur de la prison pour le compte de son organisation criminelle. Malik El Djebena en profite pour travailler à son compte en réalisant des opérations de trafics de drogue en collaboration avec son ami de détention, Ryad , libéré et gravement malade. La dernière mission, la plus dangereuse qu'il accomplit – l'élimination par lui seul, en plein Paris, d'un caïd italien d'une bande rivale, et de toute sa garde rapprochée, pourtant bien à l'abri dans un 4X4 blindé, le hisse au sommet de la hiérarchie du milieu. Cette nouvelle position lui permet d'opérer un changement de camp – il s'allie au clan des islamistes- et évince son désormais ex-chef, César Luciani, pour prendre la tête d'une organisation  qu'il aura créée sous les décombres  des groupes existants.

« Un prophète » véhicule un message optimiste quant aux capacités, d'une part, de la société française à intégrer ses populations d'origine étrangère et, d'autre part, de celles-ci à réussir leur intégration sans remettre en cause le régime républicain, y compris dans ses bas-fonds les plus obscurs que sont les zones de non droit dirigées par les mafias du crime.

Il reste toutefois un côté troublant dans ce film : c'est le refus d'assumer les conséquences de l'histoire de la réussite amorale de Malik El Djebena. Tueur et manipulateur dangereux, il garde tout de même un côté exceptionnellement humain (il fait don des bénéfices de ses trafics à l'imam de la prison, s'occupe de la femme et de la fille de son ami décédé). Autrement dit, peut- on être à la fois dangereusement mauvais et idéalement bon ? Si oui, il faudrait croire que sa personnalité  hors norme (inspiré de personnes réelles ou, au contraire, imaginé ?) de prophète républicain le met en situation d'incarner miraculeusement et le bien et le mal.



23/01/2012
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