R., le revenant. Ou celui que la mort visita un jour mais n'arracha pas à la vie.
Un soir en sortant prendre de l'air, je croisai R., un ancien voisin venu certainement voir ses proches restés sur les lieux. Grand et brun, il arborait un regard constamment triste, même quand il souriait, ou plus exactement, faisait semblant de sourire.
Je ne l'avais pas revu depuis sa disparition brusque au début des années 1990- « la décennie rouge », ainsi appelée en Algérie. Ce qui n’était pas rare, loin de là, au cours de cette période de larmes et de sang. J'étais d'autant plus content de le revoir bien des années plus tard que plusieurs personnes de ma connaissance avaient été soit assassinées soit forcées à l'exil …
Je sus bien plus tard que le soir où le docteur F., un autre voisin, fut tué dans son cabinet par des terroristes surgis de nulle part, R. était le patient qui se faisait ausculter à cet instant précis…
Après cet événement tragique, R. n’arriva jamais à croire qu'il n’était pas lui aussi la cible de l’attentat et avait définitivement échappé à une mort commanditée par on ne savait quels groupes de criminels. Il demanda avec insistance la protection des services de sécurité et arriva à l'obtenir après maintes démarches. Commençait alors pour lui une vie de réclusion et de solitude suivie d’un long séjour en asile psychiatrique.
A présent, sa traversée du tunnel paraissait achevée. Il était enfin revenu parmi les gens normaux. Mais pourra-t-il guérir un jour d’avoir vu un homme se faire tuer devant ses yeux et manqué d'un cheveu de subir le même sort ?
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