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"Le Canard enchaîné": la planète n’est pas en danger

Ne répétons plus que « la planète est en danger ». Gardons la tête sur les épaules, comme nous y enjoignent deux scientifiques du Muséum national  d’histoire naturelle  dans un passionnant et très édifiant ouvrage (1). Les cris d’alarme sur la sixième extinction en cours sont exagérés, disent-ils. Certes, « la dramatisation a été une étape utile à la prise de conscience ». Mais un « discours plus équilibré, plus réaliste » est aujourd’hui nécessaire. Et de rappeler que des extinctions de masse, la Terre en a connu déjà connu cinq. Et que, chaque fois, la vie a repris ses droits…

Certes, la biodiversité s’effondre : « En termes de taux (pourcentage d’espèces éteintes sur une durée donnée), nous sommes déjà bien au-delà des cinq majeures, qui ont vu la disparition de beaucoup d’espèces ». Certes, « un petit calcul montre que l’érosion de la biodiversité pourrait atteindre, voire dépasser, l’impact des plus grandes crises en 300 ans (et ce même en étant le plus optimiste possible dans le choix des paramètres de calcul »). Certes,  à l’échelle géologique, ce temps est « ridiculement bref », et « la vitesse à laquelle nous nous engageons  dans ce voyage destructeur risque de nous faire parvenir à l’apocalypse plus rapidement que ce qu’aucune crise du passé a produit depuis 550 millions d’années ».

Mais voyez la dernière extinction de masse la plus fameuse de toutes, celle qui éradiqua les dinosaures, il  a 65 millions d’années, n’a-t-elle pas donné sa chance aux mammifères et, du coup, permis l’émergence d’Homo sapiens ? D’où ce constat rassurant de nos deux savants : « même si nous provoquons  une crise majeure, on a le droit de penser qu’une biodiversité ultérieure refleurira  et sera peut-être encore plus diversifiée. » Ouf ! Mais il faut noter  ce petit bémol : » Une nouvelle biodiversité a toutes les chances d’émerger de la crise actuelle, mais, il est vrai que, dans celle-ci, l’Homme n’aura plus sa place ; c’est une quasi-certitude ! »

Nos savants proposent donc  de reformuler nos diagnostics. Non, la biodiversité n’est pas en danger. Cette « locution malheureuse » ne tient pas compte de l’ "incroyable  capacité de résistance de la biosphère ». Pour eux, il est « plus correct » de dire : « la  place de l’Homme sur la planète est en danger. » Cela leur parait nettement moins catastrophiste, et plus réaliste. Que les extinctions en cours (dont ils relèvent qu’elles sont dues  à nos « usages de la planète », pesticides à tout-va, urbanisation galopante, surpêche, multipollution, morcellement des territoires, etc. , sans compter le réchauffement climatique) mettent l’Homme en danger relève de l’évidence : « Ne nous abusons pas : les jolies fleurs , les petits oiseaux et une multitude de micro-organismes sont utiles et indispensables à la survie physique de l’Homme, alors que la réciproque n’est pas vraie. »

Nous voilà donc rassurés : la planète n’est pas en danger. Seul l’Homme l’est. Une fois cette vérité scientifique rétablie dans toute sa rigueur, on se sent tout de suite mieux.

Jean-Luc Porquet, « Le Canard enchaîné » du 06 mai 2015.

(1) « La biodiversité de crise en crise », par Patrick de Wever et Bruno David, éditions Albin Michel.



16/08/2015
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