« Gens des nuages », récit de J.M.G Le Clézio, prix Nobel de littérature. La civilisation du désert
Gens des nuages, de Jemia et J.M.G Le Clézio, photographies de Bruno Barbey Editions Gallimard, collection folio, 2008, 151 pages.
J’avoue mon ignorance dès le départ : je ne connais pas l’œuvre littéraire de Jean - Marie - Gustave Le Clézio, prix Nobel 2008, si ce n’est indirectement par les articles que j’ai lu, il y a longtemps, dans « Le Monde des livres », supplément hebdomadaire du grand quotidien parisien, et dont je me rappelle vaguement le contenu sauf de l’idée générale que la critique en fait une figure singulière et solitaire dans l’univers littéraire hexagonal.
« Gens des nuages », récit de voyage, je l’ai lu récemment. Mon choix de ce livre n’est pas dicté par son importance dans l’œuvre de l’auteur mais plutôt par la destination de son voyage, Saguia El Hamra (traduit par « la rivière rouge »), une région du Sahara occidental qui donne, de prime abord, pour le Maghrébin que je suisi, un air de familiarité accentué par les photographies de Bruno Barbey qui illustrent le déroulement du voyage, étape par étape.
Le fait que le livre est aussi cosigné de Jemia, la compagne de JMG Le Clézio, dont la famille est originaire de Saguia El Hamra, a aussi éveillé ma curiosité, d’où mon désir d’en savoir plus.
Le Clézio et Jemia se rendent à Saguia El Hamra chargés chacun de sa mémoire personnelle ; pour l’un, sa connaissance des contrées désertiques d’Amérique, et pour l’autre, les réminiscences de son histoire familiale racontée par sa grand mère.
Le récit du voyage débute comme un guide touristique à une différence près : à part la localité de Smara, il est presque sans escale connue des voyagistes. A mesure qu’ils s’enfoncent dans le Sud, le récit s’apparente à un manuel de géographie physique, d’histoire et de préhistoire en remontant jusqu’aux premiers habitants du Sahara d’avant le désert, les noirs, suivis des berbères puis des arabes. Deux personnalités phares représentent la quintessence de l’investissement en capital spirituel par les habitants de Saguia El Hamra:
- Sidi Ahmed El Aroussi, qui a vécu au XVIème siècle, maître spirituel (soufi), originaire de Tunis, rebelle au pouvoir ottoman et fondateur de la tribu des Aroussiya (à laquelle appartient Jemia) de Saguia El Hamra ;
- Ma El Aïnine, maître spirituel et chef de la résistance aux armées d’occupation française et espagnole au XIXème siècle.
Deux idées essentielles caractérisent le rapport des « gens des nuages » (les Aroussiya et, peut-être, tous les gens du désert) : la vie en harmonie avec la nature et la liberté en tant qu’exigence de l’harmonie.
Les idées d’harmonie et de liberté ne peuvent que nous renvoyer à notre condition commune d’hommes modernes, « spécialisés », captifs de leurs vies étriquées consacrées au culte des objets marchandises.
Saguia El Hamra restera-t-elle toujours le pays de l’harmonie et de la liberté ? Les contrées « mondialisées » adopteront-elles un jour l’harmonie et la liberté ?
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